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Birmanie l'épilogue - à MoeMoe

La fin approche, est proche, est là. 21 jours, 3 semaines… Ça fait semblant d’être long mais c’est court. Trop court pour saisir vraiment, pour comprendre, pour décrypter. Mille complexités touchées du bout du doigt, effleurées. Qui plus est dans un pays marqué par l’isolement, le silence et le secret. Mais des myriades d’empreintes. Difficiles à ordonner.

Une immersion réussie en tout cas. Déconnectés de nos univers et de nos outils technologiques nous avons plongé dans un monde aux traditions vivaces, aux longhys colorés, aux feuilles dorées, aux prières bruyantes, aux joues thanakhées, aux esprits farceurs, aux rameurs funambules… Enveloppés dans le nuage bleuté de la fumée du sheroot, percée par l’éclat rouge du bétel.

Nous n’avons pas vu ce qui reste caché, nous avons perçu que tout n’était pas encore dévoilé. En lignes et en couleurs sur la carte les espaces interdits se dessinent, dans les agences ou au téléphone les réponses négatives font écho aux cartographies incomplètes, tronquées. Gentil troupeau, laisse-toi guider, assouviras ta faim dans des pâturages gentiment quadrillés… Ici même les dollars doivent montrer pattes blanches. Un pan du pays nous échappe, nous glisse entre les doigts, une partie du visage reste voilé, la maison se visite mais les meubles sont recouverts de couvertures épaisses, seules les formes se devinent. Nous ne verrons pas ces peuples, ces visages, ces paysages qui restent embrumés. La photo est délibérément floutée.

Nos noms eux ont été cent et cent fois copiés et recopiés sur des formulaires en X exemplaires. Notre chemin de vagabondage prend des aires de sentier balisé.
Mais la richesse que l’on a découverte est de celle qui ne se laisse pas enfermée : des vies, des gens, des récits sont venus à notre rencontre. Des histoires se sont déroulées, des albums photo se sont ouverts, des espaces se sont révélés après un tour de clé, des témoignages se sont faits entendre autour d’une tasse de thé… Mille autres récits, au-delà des mots que nous ne pouvions comprendre, nous ont été contés dans un sourire.
Les journaux se multiplient, Aung San Suu Kyi habille les murs et partage la une avec Obama, quelques téléphones apparaissent, la toile se laisse tirer quelques fils… Quelque chose est à l’œuvre, se met en branle, un souffle nouveau apporte son lot de nouveautés et de visiteurs. Demain tout bougera encore et les choses continueront d’avancer. Tout le monde trouvera-t-il sa place dans la Birmanie de demain ?

Nous voilà partis loin de ceux qui restent. Dans un palais Shan un livre d’or ressorti orne la table. Dans un tea-shop MoeMoe prépare une salade aux feuilles de thé tandis que sa fille s’entraîne au karaoké. Mya Mya donne des cours d’anglais et accueille de nouveaux visiteurs. Panna Jota continue de prier et d’étudier au milieu de centaines de robes rouges.
Jamais encore nous n’avions senti une telle envie de nous approcher, de nous parler, de nous montrer, de nous faire découvrir. Nous avons découvert une soif de l’autre incroyable : il est venu, il est là, passons un moment ensemble !
Nos doutes se sont envolés. Nous aurons fait tout ce qui était en notre pouvoir pour que nos billets bien repassés aillent dans les bonnes poches. Et nous avons partagé avec tellement de gens une envie mutuelle de nous rencontrer !
Pari gagné alors… Mais pari facile, pari truqué… De ceux dont on ne croit rien perdre à ne pas les tenter et qui rendent riches quand on a pris un ticket.

Cezubeh Myanmar ! Que demain apporte ce qu’aujourd’hui n’a pas encore su donner.

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