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J'en veux Angkor !

Fièvre, fatigue et boutons…Le diagnostic est sans appel : la pause siem reapoise sera plus longue que prévue et avant de découvrir les ruines tant attendues d’Angkor Vat, Fred devra approfondir sa relation avec la literie de l’hôtel. Nos premiers jours à Siem Reap se déroulent donc au ralenti. Tandis que Kamra câline la couette je déambule dans les allées labyrinthiques des marchés, essaye tous les salons de massage et les mango shakes de la ville, et attaque sérieusement la bibliothèque de bord dont le stock fond comme glace pilée au soleil. Mes promenades me permettent de rencontrer Cheri, un petit garçon vendeur de livres, abîmé par les dangers que la guerre a enfouis dans le sol, pétillant et blagueur. Son accroche est irrésistible : « Je sais d’où tu viens » dit-il avec un air très sérieux, « tu viens de ton père et de ta mère ! ». Sourire enjôleur : « j’ai quelque chose que tu n’as pas et que tu veux » assure-t-il en désignant son panier qu’il porte accroché autour du cou rempli de livres et de cartes postales. Un petit bout d’homme attachant et moqueur que nous recroiserons souvent, toujours souriant, enjoué et désireux de parler de lui, de son pays, des endroits qu’il connaît et de ceux qu’il aimerait découvrir un jour.

Fred, toujours aussi énergique qu’un poulpe sous calmants mais désireux de mettre le nez dehors, se risque de-ci de-là à effectuer quelques sorties. La première sera toutefois pour aller visiter une clinique : le médecin chinois que nous rencontrons, après un examen détaillé du patient (prise de pouls) n’a pas l’air de savoir plus que nous quel est le problème de Fred, quoiqu’il nous assure le contraire par le biais de son interprète que nos réticences exaspèrent (sur un papier le diagnostic est « bad cold » sur un autre « poisonous blood ») : 3 heures de perf d’antibio et d’antihistaminiques et nous voilà repartis le portefeuille anorexique. Nous décidons de traiter le mal par notre propre médecine traditionnelle : repos et repas, à nous la gastronomie cambodgienne !

Nous dédions une autre sortie à la visite des Artisans d’Angkor, une association qui réapprend à la jeunesse cambodgienne les métiers de l’artisanat traditionnel. Il est possible de visiter les ateliers et nous découvrons ainsi, impressionnés, les gestes de la peinture sur soie, du tissage de la soie, de la laque, de la sculpture du bois et de la pierre… Nouveau coup dur pour le budget.

Il est temps d’effectuer le pèlerinage réglementaire mais point de vélo ni de lever de soleil sur les temples… Petit réajustement de nos fantasmes, santé oblige : nous nous rendons à Angkor Vat en tuk tuk en début d’après-midi. L’heure idéale pour brûler sous un soleil de plomb au milieu d’une foule de visiteurs. Tant pis, la découverte de la nouvelle merveille du monde sera moins émouvante que prévue, elle n’en reste pas moins magique. Transpirants et compressés, on se rappelle qu’on ne voyage pas dans une carte postale (notre phrase de consolation quand nos attentes sont déçues par la pluie, le brouillard ou la foule) et on se laisse gentiment guider vers la perle des temples qui mérite bien toute l’attention qu’on lui porte. Si les vieux cailloux nous émerveillent, l’émotion tant attendue viendra des grands-mères cambodgiennes qui sont irrésistiblement attirées par Fred (traits cambodgiens ? Ressemblance avec Kamra Sreymoun ? Air maladif et hagard ?) et se battent presque pour lui faire des câlins, lui serrer le bras, lui offrir leurs plus beaux sourires ou le soigner à l’aide du fameux baume du tigre lorsque je l’abandonne dans un coin pour partir à l’ascension des tours. Le temps file dans les galeries angkoriennes et Fred décline suivant l’exemple du soleil ; il est temps de se hisser dans notre carriole pour rejoindre Angkor Thom et le fameux Bayon. Une lumière rasante baigne les 216 visages impassibles et bienveillants qui nous sourient tandis que nous nous perdons dans les méandres des couloirs du temple surmonté de 54 tours ; notre temple coup de cœur de l’ensemble du site.

Un petit détour par la terrasse des éléphants, tribune monumentale longue de 350 mètres, et par la terrasse du roi lépreux et notre tuk tuk met le cap vers le Ta Prohm. Si nous sommes étonnés d’être les seuls visiteurs du temple, un agent de sécurité nous en donnera bien vite l’explication… Le site est fermé du fait de l’heure tardive. Nous déambulerons donc sous escorte jusqu’à la sortie mais gentiment et à un rythme qui nous laisse admirer les immenses fromagers qui soutiennent et enserrent de leurs tentacules végétales les ruines du Ta Prohm, rappel que ce temple a été longtemps abandonné à la jungle.

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