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Stupeur et tremblements

Une semaine qui démarre avec des odeurs de curry… id est par une promenade à Little India où m’attendent les couleurs de l’Inde : saris, temples décorés de 1001 statues, étoles, bijoutiers, odeurs chargées d épices, effluves de jasmin, musique indienne diffusée à pleins tubes. Un voyage dans le voyage…
Ma première idée avant de plonger au cœur du quartier est toutefois de trouver une chemisette aux manches longues pour soustraire mes bras brûlés aux rayons mordants du soleil. Nouveau quartier, nouvel accent : ainsi, quand la vendeuse de la chemisette en question me dit « tchof dollars » il me faut comprendre « twelve dollars ». C’est ici que l’anglais se teinte pour moi des sonorités les plus agréables : je maîtrise mieux l’indglish que le singlish.

Une vendeuse me saisit par le bras pour me promener dans un dédale de boutiques chamarrées. Mon regard curieux et un peu perdu a dû lui plaire : elle me fait cadeau d’un petit porte-bonheur en me serrant contre son giron.
Je rentre toutefois presque en courant pour soulager mes brûlures dans la piscine. Je jurerais avoir vu de la vapeur !

Je retourne à une autre occasion dans ce quartier remuant en compagnie de Fred, histoire de goûter un peu la cuisine locale. La magie de Fred opère, comme toujours : il attire la conversation échangée sur le ton de la confidence, du vendeur de fleurs au client de restaurant en passant par le serveur (sont-ce ces cheveux qui agissent comme un aimant, provoquant stupeur et fascination ?) qui, se désolant de l’avoir cru végétarien comme moi, veut absolument lui faire goûter les viandes épicées qu’il n’avait pas osé lui servir. Malheureusement pour moi, la cuisine me tord en deux le lendemain : je me vois déjà rapatriée en urgence lorsque mon corps qui n’est plus qu’un paillasson me fait gémir des heures durant, tenant la note plus fidèlement que le « ohm » des moines tibétains. Fred, stoïque et à l’estomac d’acier, me tient la main et la bassine.

Fébrile mais remise en état de marche, je me lance à l’assaut des vieux cailloux en vitrine cette fois : l’asian civilisation museum m’ouvre ses portes et ses tiroirs à secrets, émerveillements et tremblements (clim oblige). Toute l’Asie et toutes ses périodes sont passées en revue dans ce paradis des curieux, un régal qui se goûte avec les yeux. Une exposition révèle les trésors d’orfèvrerie et de joaillerie de l’Inde de la période Mughal. Le titre de l’exposition doit son nom « treasury of the world » a une expression utilisée par Sir Thomas Roe en 1616 : « treasury of the world faisait alors référence à l’empereur Jahangir couvert de bijoux et plus généralement à l’art fabuleux des joailliers indiens. Eclat des pierres précieuses et finesse des œuvres : ça vous en bouche un coin.

Asian civilisation museum chapitre 2 : Peranakan museum.

Le sud-est de l’Asie est un carrefour commercial depuis fort longtemps. Les vents, jouant les marieuses, ont donc amené différentes ethnies à se rencontrer et à s’épouser. Les Peranakan sont les descendants issus des mariages entre voyageurs et femmes du coin. Le musée se concentre principalement sur la culture née des métissages entre chinois et malaises ( mais en évoque d’autres comme les Jawi Peranakans – indiens musulmans + malaises, ou les Chitty Melaka – indiens + malaises). L’art, la gastronomie, les traditions, la religion, les cérémonies et les rituels des Paranakans sont ainsi passés en revue et explicités pour le quidam de passage.

Un soir Kareen nous donne rendez-vous à son centre de yoga pour nous faire vivre une séance d’initiation au atha yoga. Et c’est parti pour 90 minutes de poses qui ont éprouvé nos muscles et notre absence de souplesse. Un beau moment, très intense : qui a prétendu que le yoga n’était pas physique ? Pas moi. Namaste.
Nous célébrons notre bizutage dans un restaurant chinois ( après la demi-heure d’attente réglementaire) qui ne sert que des dumpings (paniers vapeurs). Au dessert dumpings au sésame et à la pate douce et suave de haricots rouges.

Le samedi nous offre l’occasion d’une ballade au botanical garden, très grand parc aux mille essences diverses. Un lieu enchanteur : l’objectif de Fred ne sait plus où donner du zoom. Le jardin existe depuis le XIX ème siècle et n’a cessé de croître ; des espèces de tous les continents s’y sont donnés rendez-vous et, comme le veut la règle qui prévaut a l’équateur, la végétation est luxuriante. Havre de paix et eden pour les promeneurs contemplatifs mais aussi pour toutes sortes d’animaux que l’on peut apercevoir lorsque, l’espace d’un instant, ils cessent de se dérober aux regards, ou que l’on entend, quand les yeux sont impuissants à en saisir la silhouette. Des poissons-chats exhibent leurs moustaches tandis qu’ils frôlent les lotus, des cigales (déformation vauclusienne…) poussent la chansonnette, des oiseaux se répondent et font bruisser les feuillages, des écureuils se poursuivent de branches en branches. Etrange, bizarre, fascinante, colorée, noueuse, éclatante, immense, alambiquée, complètement tordue, la jungle de révèle, se laisse admirer, s’offre au regard mais aussi à l’odorat, au toucher et à l’ouïe. La « concrete jungle » a disparu, c’est un autre festival des sens qui s’ouvre, une autre approche sensuelle de Singapour et bien au-delà de la merveilleuse diversité de la nature.
Le lendemain, tandis que Fred et Kareen ressortent les ordinateurs, j’en profite pour tester une spécialité : le massage. Kareen me fait découvrir un centre de réflexologie qui bichonne les petons. Et c’est parti pour 45 minutes de malaxage intensif à l’issue desquels le bitume est devenu coton.

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