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Luang Prabang, baci et laolao

Pour pouvoir nous balader dans les environs de la ville nous louons un scooter. Les premiers kilomètres sont un peu hésitants mais nous avons fière allure sur notre 2 roues rose sur lequel sont dessinés les personnages de Winnie l’ourson. Nous croisons quelques villages rangés le long de la route, quelques cultures, longeons un cours d’eau, faisons des tours et détours pour le plaisir de flâner dans ce paysage de petites maisonnettes et de montagnes.

Nous décidons de pousser notre nez jusqu’à Tat Sae, des chutes d’eau dévalant des formations calcaires et formant des bassins. Contraints d’abandonner notre rutilant véhicule dans un parking à l’orée du village, nous rempruntons le sentier qui mène à la rivière lorsque nous entendons résonner une musique entraînante. Au loin nous distinguons devant une maison des tentures tendues pour protéger une foule de convives du soleil : une fête a lieu. Tandis que nous passons à proximité du lieu des festivités des jeunes filles nous interpellent et nous font signe de venir les rejoindre. Un peu gênés, nous avançons d’un pas hésitant. « Voulez vous vous joindre à nous ? – Oui, si ce n’est pas un problème, avec plaisir… » Et nous voila conduits à travers la foule jusqu’à une table à laquelle deux chaises sont vite rajoutées. Tout aussitôt surgissent deux verres de Beerlao (LA bière laotienne) de nulle part que l’on nous tend avec des sourires. Noy, une jeune fille de 25 ans, nous explique dans un anglais parfait que sa famille et le village se sont réunis pour célébrer un baci.

Le baci est un rituel laotien durant lequel les esprits protecteurs sont attachés à l’invité d’honneur par des fils de coton blanc noués aux poignets. Cette cérémonie a souvent lieu à l’occasion d’un départ en voyage, d’une maladie, d’un mariage ou de tout autre événement important. Il s’agit alors de rappeler les 32 esprits de chaque participant (chacun étant le gardien d’une partie spécifique du corps ou d’une faculté mentale ou physique), les Khwan, dont certains ont pu quitter leur propriétaire, pour rétablir l’équilibre. La fête bat sont plein depuis 2 jours déjà et s’achève ce soir. Un musicien joue du synthétiseur et les convives se relaient au micro pour entonner tout le répertoire lao, tandis que les danseurs occupent une piste régulièrement arrosée pour la rendre moins poussiéreuse. Une grand-mère vient impérieusement nous demander, d’un ton qui ne souffre aucune discussion, de nous joindre aux danseurs de Lam Wong. Les couples forment des cercles qui se déplacent lentement. Les pieds marquent le rythme et les mains surtout esquissent de lents gestes tourbillonnants. Mécontente des gestes de Fred, la grand-mère lui tapote les doigts et lui intime de regarder comment elle s’y prend. A la fin de la chanson, chacun remercie son partenaire en joignant les mains. Dans un éclat de rire notre meneuse nous laisse regagner notre place. Deux nouveaux verres nous attendent. A peine les finissons nous qu’ils sont aussitôt remplacés. C’est que, sans que nous ne nous en rendions compte, des regards scrutent les invités et devancent leurs demandes (parfois un peu vite : le rythme de Beerlao est soutenu). Notre mamie qui veille a tout charge une jeune fille d’entraîner Fred sur la piste tandis qu’une femme décide de me faire goûter le Laolao (alcool de riz décapant) je comprends que le verre est collectif et qu’il me faut le vider d’un trait. Une autre femme à mes cotés me surveille sans sourire. Trouvant que je ne mange pas assez vite elle me fourre sans autre forme de procès une cuillère de viande dans la bouche. Sans avoir eu le temps d’esquisser une protestation je dois mâchouiller mon morceau en m’efforçant de sourire pour ne pas faire perdre la face à ma nourricière. Revoilà Mamie, cette fois c’est moi qu’elle vient chercher pour une danse réservée aux femmes et aux travestis (il y en a beaucoup ; habillés en femmes, très efféminés, ils sont très bien acceptés par tout le monde), une sorte de madison dont les pas changent toutes les 5 minutes. Je provoque des rires tandis que j’essaye de m’adapter à chaque changement de chorégraphie mais je m’en sors plutôt bien compte tenu de mon degré d’alcoolémie sous ce soleil de plomb. Nous restons une paire d’heure à alterner beerlao, danse, algue séchée et riz avant de remercier la joyeuse troupe et de diriger nos pas chancelants vers la cascade. Un bateau nous y mène en quelques minutes… elle est à sec ! Tant pis, nous y tremperons nos pieds en prenant le frais.

Repartis sur les routes, nous décidons de nous mettre en quête de la tombe de Henri Mouhot (le re-découvreur d’Angkor) en bordure d’une rivière. De nombreux groupes témoignent de l’attrait du lieu pour le pique-nique dominical. Nous passons devant quelques jeunes occupés à boire beaucoup de bière en grattant une guitare. Aussitôt aperçus, nous sommes hélés et invités à les rejoindre. Le manège de la beerlao et du lao lao reprend et malgré nos protestations nous sommes fortement invités à « finish ! » nos verres. L’un d’entre eux se saisissant de la guitare tente un « no woman no cry » hésitant : stupeur et tristesse lorsque, pour répondre à sa question, nous lui apprenons que Bob Marley est mort depuis quelques décades déjà…

Nous nous coucherons très vite ce soir-là : la chaleur de l’accueil laotien fait tourner la tête !

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