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Sur la route des temples : un temple pour deux s'il vous plait!

Nouvelle rencontre avec les pierres lors de notre découverte du grand ensemble de Preah Khan (IXème s). Premier arrêt de la moto au prasat Preah Stung, édifice en partie effondré mais toujours énigmatique du fait de sa tour centrale ornée de quatre visages mystérieux, souriants et paisibles, avant la découverte de la structure centrale. Nous sommes seuls aux abords de l’enceinte, délice promis d’une visite « privée » du lieu… pas tout à fait en fait… point de touristes mais présence d’un cambodgien qui, au bruit des motos, a sauté hors de son hamac et de son krama pour s’engouffrer dans un petit costume.

Il ne nous dira pas un mot mais nous suivra pendant toute la promenade sans nous quitter des yeux ; j’en suis à me demander s’il n’est pas là pour s’assurer qu’on ne mette rien dans nos sacs. Il faut dire que le Preah Khan a souffert de la cupidité des hommes, lui qui avait si bien résisté aux outrages du temps. Coups de burin visibles sur les fines sculptures d’apsaras, temples effondrés suite aux attaques de marteaux-piqueurs et de pelleteuses. L’ensemble n’en reste pas moins imposant et majestueux dès le passage de la porte monumentale qui nous fait franchie les murailles. A notre retour aux motos Sokhom et Yeourn nous rappellent qu’il ne faut pas oublier le guide ; notre pisteur muet n’était donc pas là pour nous surveiller et je me demande bien ce que nous avons dû rémunérer si ce n’est la perturbation de sa sieste ! Dernière étape magique au prasat Damrei (temple de l’éléphant) surplombant l’imposant baray (réservoir) de 3 kilomètres de long scintillant sous les derniers rayons du soleil au pied de majestueux éléphants de pierre. Décor propice à la contemplation d’autant que nous avons le temple-pyramide pour nous. La visite s’achève par une baignade mais seuls Fred et Yeourn joueront les intrépides : Sokhom m’a confié que plusieurs personnes avaient aperçu un crocodile dans les parages… très peu pour moi, j’ai déjà donné dans le croco au Laos !

Nous retrouvons l’afflux des visiteurs au Beng Meala, temple édifié au XIIème s. Ici la végétation est sortie victorieuse d’un combat séculaire : à l’assaut des structures, elle les a patiemment mais surement disloquées et mises en pièces. La visite tient donc autant de l’escalade des blocs monumentaux que de la promenade, mélange de plaisir et d’effroi ; plaisir enfantin de jouer les explorateurs se coulant dans les ouvertures, escaladant les structures et découvrant les sculptures éparpillées parmi les blocs effondrés, et effroi de la « geek » des vieux cailloux qui ne peut se défaire de l’impression que fouler aux pieds des vestiges quasi millénaires relève davantage du sacrilège.

Nous finissons notre boucle avec les temples de Koh Ker et de Preah Vihear. Nous jouissons une fois de plus de sites totalement déserts pour ce qui est des touristes. Je suis même seule à parcourir les majestueuses ruines de Koh Ker, capitale de l’empire d’Angkor de 928 à 044, aujourd’hui en partie abandonnées dans la forêt. Fred, dont la santé se fait déclinante, se laisse choir à l’entrée du site. Je parviens toutefois à le faire ramper jusqu’à l’étonnante pyramide de grès à 7 niveaux qui semble directement télétransportée des jungles guatémaltèques tant elle ressemble à ses cousines mayas, avant de le remettre en selle pour notre ultime destination.

C’est baignés par les premières lueurs de l’aube que nous découvrons le prasat Preah Vihear. A la distance et à la difficulté d’accès s’ajoute le dénivelé pour ces cailloux-là qui sont perchés au sommet d’une falaise. D’un côté la vue embrasse la plaine cambodgienne, de l’autre côté c’est la Thaïlande, ce qui explique que le site est peuplé non de visiteurs mais de militaires gardant la frontière. Pour atteindre ce nid d’aigle nous avons du fixer rendez-vous à deux autres drivers, pourtant nous n’en trouvons qu’un au lieu dit à 4h30 du matin. Gêné ce dernier part en trombe réveiller son compère qui finit par arriver les yeux embués et les cheveux en pétard. Je ne suis du coup qu’à moitié rassurée quand je grimpe sur sa moto. Le trajet qui nous attend n’a rien pour me réconforter : la pente est très très raide jusqu’au sommet et je m’attends à tout moment à ce que la moto s’arrête et reparte en arrière. Des sueurs froides pour rien, je parviens en un seul morceau au temple où m’attend Fred arrivé depuis un moment. L’emplacement du Preah Vihear est à couper le souffle et nous dégustons un moment unique : petit-déjeuner en tête-à-tête sur un site magnifique devant une vue spectaculaire dans la lumière dorée du petit matin. Après avoir déambulé tout notre content dans tous les recoins de ce prasat exceptionnel, il faut affronter le retour, une descente encore plus effrayante que la montée par le même chemin. Nous retrouvons Yeourn et Sokhom pour une journée de route jusqu’à Siem Reap où il faut se séparer de nos deux compères. C’est Angkor la superbe qui nous attend maintenant.

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