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Sur la route des temples

Nous descendons du bus Phnom Penh-Siem Reap à Kompong Thom, petite ville du nord ouest, dans l’espoir de trouver des renseignements sur les temples de la région et une moto. A la place nous trouverons Sokhom et Yeourn, deux moto drivers à la ganache sympathique, une version khmère de Lorel et Hardy. L’accord est conclu et nous trinquons aux 5 jours de road trip que nous avons planifié à la recherche des temples isolés du nord ouest cambodgien sur l’ancienne route d’Angkor.

Notre périple aventureux tiendra toutes ses promesses et sera émaillé de traversées de villages paisibles où fusent les « hello » rieurs des enfants amusés par notre convoi, de magnifiques ponts à naga angkoriens, de siestes partout où les hamacs trouvent de quoi s’accrocher, de nuits chez l’habitant, de pauses autour de kaa fey teuk koh (cafés glacés). Nous apprenons très vite à dire « santé » en khmer en faisant s’entrechoquer nos verres de vin de palme (« tchoul moï ») tandis que Sokhom et Yeourn nous rebaptisent Kamra Sreymoun et Kolyan, nos nouveaux noms khmers pour les 2 mois à venir. Fred rencontrera un franc succès avec le sien et des réactions toujours amusées : Kamra Sreymoun est un jeune chanteur très à la mode, connu de tous au pays du karaoké, surnom qu’il doit à sa ressemblance avec le jeune crooner-lover de 25 ans. Chaque fois que Fred se présentera sous son nouveau patronyme on lui demandera de chanter des tubes à la mode, certains approuvant la ressemblance physique, d’autres nous demandant sérieusement s’il a des origines cambodgiennes, « il a des traits khmers !». Bien sûr « Kamra » se défilera à chaque fois qu’on lui demandera un tour de chant mais ce surnom aura en tout cas souvent servi à briser la glace.

Nous goûtons la côté intrépide de notre expédition à de nombreuses reprises, dès lors que la route deviendra cabossée et défoncée, un vrai tour de force pour nos easy riders (qui semblent nés sur une moto) rendu possible par l’absence des pluies qui tardent encore un peu malgré la saison qui s’annonce. Cette plongée dans les campagnes cambodgiennes nous permet de découvrir des paysages superbes dont nous nous rendrons compte qu’ils sont typiques du pays, paysages de rizières et de palmiers à sucre, de buffles et de cocotiers, sur des étendues immenses aux faibles dénivellations.

Le voyage en soi est un plaisir, malgré les douleurs au fessier, mais il nous offre en plus nos premières rencontres – et pas des moindres – avec le génie architectural khmer : c’est la découverte de nos premiers temples, perles isolées qui doivent, encore aujourd’hui, se mériter et se conquérir.

Nos premiers vieux cailloux (du VIIème siècle) sont ceux du Sambor Prei Kuk (originellement Isanapura, capitale du royaume Chenla), un ensemble imposant d’une centaine de temples disséminés dans la forêt. Des petits sentiers sablonneux nous permettent de découvrir quantité de petits édifices en brique et de vestiges de murailles, certains enserrés de racines-lianes dans une étreinte végétalo-minérale poussée à l’extrême. Je ne saurai toutefois pas dire si j’ai été davantage impressionnée par les pierres ou par les enfants qui attendent le visiteur pour proposer des écharpes ou leur service de guides. Une fillette d’une douzaine d’années a en effet forcé mon admiration par sa maîtrise des langues : début de conversation dans un anglais parfait avant de passer au français pour la visite (quelques dérapages en italien et en espagnol le temps de régler la fréquence sur la bonne langue) puis à l’allemand dans une négociation acharnée pour vendre ses écharpes à une touriste croisée. Prouesse polyglotte pour un petit brin de fille qui passe pourtant plus de temps auprès des vieux monuments que sur les bancs de l’école.

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