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Sur les bords du lac, Inthein

La paresse n’est pas toujours mauvaise conseillère. Voilà la notre en tout cas fort bien récompensée! Elle qui nous a fait prolonger la nuit, le petit-déjeuner et la lecture au soleil, nous offre d’arriver les derniers au village d’Inthein. Les visiteurs ont déjà déserté les lieux. Qu’il est bon parfois d’être à contre-temps!Pour atteindre ce village notre bateau a pétaradé une heure et demi durant, traversant le lac Inle d’abord, puis serpentant le long d’un canal labyrinthique qui passe sous des passerelles de bambous, croise des pontons, arrose des petites plages couleur café.
Débarqués au pied du village d’Inthein nous suivons une piste poussiéreuse bordée d’échoppes jusqu’au pied d’une colline. Un escalier couvert la gravit. Des centaines de boutiques le bordent de chaque côté. La route vers Bouddha est semée d’embûches! Heureusement pour nous il est tard et les vendeurs qui n’ont pas encore remballé se contentent de nous interpeller mollement. Sitôt que l’on a repéré une faille dans le chemin qui, insensiblement mais sûrement, doit drainer le flot de visiteurs vers la stupa du sommet, livrant les bourses aux multiples commerçants, nous l’empruntons. La montée dérobe en fait aux regards la splendeur du site. C’est en effet sur les flancs de la colline que la magie du lieu se goûte. Car ce relief est riche de 1054 zedi ou stupas qui le prennent d’assaut, le colonisent des pieds à la tête. Concentration exceptionnelle de dévotions! Certaines stupas semblent anciennes, témoins d’une foi qui a vécu il y a longtemps. Elles servent désormais d’appui à des plantes grasses ou à des arbres dont le feuillage détrône les couronnes dorées ornées de clochettes de leur sommet. Les puissantes racines déconstruisent le travail conjoint du mortier et de l’homme. Véritables tentacules, elles enserrent et broient, maintiennent autant qu’elles dégradent; la structure éclate… Elle est condamnée, son sort est scellé, il est désormais lié à celui du végétal lithophage. Ces stupas sont ornées de bas-reliefs en stuc, toujours en place ou déjà en partie éboulés, gisant en morceaux au pied des monuments qui les portaient. D’autres stupas sont moins ouvragées. en partie effondrées elles en sont réduites à ne plus ressembler qu’à d’antiques fours à pizzas.

Plus on monte vers la pagode qui coiffe la colline plus la reconstruction est avancée. Des plaques rendent hommage aux donateurs et les assurent des mérites qu’ils y ont gagnés. Des ouvriers sont à l’œuvre. Un échafaudage de bambou, des truelles et ça cimente dur. La base du zedi est encore instable, enchevêtrement chaotique de briques rouges descellées, le sommet est de nouveau couronné et tout gris de ciment bien lissé. De nouvelles clochettes se balancent et teintent dans la brise, musique des prières qui s’envolent.

Deux stupas jonchées sur des promontoires plus hauts permettent d’embrasser du regard la vallée, le lac au loin, le hérissement innombrables pointes, pics blanchis ou dorés, le village, et derrière les collines couvertes de végétation vers lesquels une piste rouge s’enfonce puis se perd.

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