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Déambulations bangkokiennes

Un bateau puis un bus et nous voilà à Bangkok. La nuit fut courte et difficile (le joint défaillant de la fenêtre nous a permis de goûter l’averse extérieure sous forme de goutte-à-goutte sur nos têtes). Il est 5h00, Bangkok s’éveille ou ne s’est pas couchée. Le hasard fait que le bus nous a posés à côté d’une rue que j’avais relevée, lorsqu’on m’avait prêté un guide pour trouver un hôtel à Bangkok, pour être une des moins chères en termes de logement : Khao San Road. C’est donc par là que nous dirigeons nos pas un peu titubants sous le poids des sacs et du sommeil. Un arrêt dans un café ouvert nous offre un premier aperçu contrasté de la ville, ou en tout cas de la rue, encore très animée a cette heure matinale. Se croisent en effet des fêtards qui entonnent leurs derniers refrains de chansons à boire ou qui terminent leurs buckets de cocktails (pot d’un demi-litre dans lequel trempent autant de pailles qu’il y a de convives), des backpackers un peu ivres qui tendent l’oreille et le porte-monnaie au chant des sirènes thaïlandaises très court-vêtues, et des bonzes, pieds nus dans la rue jonchée de mégots et de cadavres de bouteilles, sébiles à la main, recueillant les aumônes de quelque lève-tôt qui les attendent, paniers remplis de paquets de riz aux pieds. Le yin et le yang, kan versus boun, en cette heure du jour ou de la nuit à laquelle on ne sait pas vraiment qui est chien et qui est loup. Un vieil anglais nous fait un brin de causette tout en lançant un regard un peu désabusé au spectacle qui se joue puis il se lève… lui aussi, en fait, faisait son marché.

Apres avoir trouvé un toit pour la nuit nous avons arpenté les rues de la ville dans un tuk-tuk dont la conduite un peu sportive a achevé de nous réveiller. Celui-ci nous a menés de temple en temple, du grand bouddha debout (de 40 m) au bouddha couché, avant de nous déposer d’échoppe en échoppe. A la vue de notre réticence le chauffeur nous a expliqué que chaque dépôt de falang lui permettait de recevoir des bons d’essence. Nous n’avons pas très bien compris si c’était un arrangement avec le magasin pour s’assurer un flux constant de clients potentiels ou un geste du gouvernement pour toute la semaine (version d’un français rencontré devant un bouddha). Quoiqu’il en soit, pour lui faire plaisir, nous avons affronté plusieurs bijouteries et échoppes de tailleurs dans lesquelles Fred a déclenché des passions chez les tailleurs thaïlandais.

Le soir venu, nous avons eu toute la peine du monde à retrouver notre guesthouse : la petite rue tranquille et mignonnette de l’aube s’était transformée en marché / restaurant / bar /concert sur toute sa longueur. Sous nos fenêtres, de joyeux cow-boys fringants thaï, avec santiags et chapeaux, ont énergiquement massacre Hotel California toute la nuit. Nous étions en effet tombés sans le savoir dans le quartier de touristes avec boutiques à la chaîne le jour et refrains à boire la nuit (je vous laisse imaginer la tête de Fred, mais bon, hôtel pas cher…). Pas du Bangkok authentique…

Les deux jours suivants furent consacrés à une découverte plus approfondie de la ville selon une trilogie que nous avons répétée : visite / plat thaï / massage. Ainsi, des stupéfiants stupas aux padthaï végétariens, des temples étincelant au soleil et étirant leurs cornes jusqu’au ciel aux malaxages de petons, de l’architecture colorée et rococo à la bière thaï, notre séjour en la capitale aura été bref, parcellaire, agréable, bruyant et nourrissant (à tous points de vue).

Il est alors temps de rejoindre la gare dans un taxi qui aura toute la peine du monde à se frayer un chemin parmi les manifestants (chemises rouges, soutien de l’ex premier ministre réfugié à Dubaï car accusé de corruption) et qui, du coup, devenu compteur parlant, nous annoncera un nouveau prix devant chaque rue embouteillée. Deux couchettes, un ventilo : il n’en faudra pas plus pour nous faire rallier la frontière tant attendue avec le Laos.

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