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Un trek à la rencontre des villages isolés : jour 1 village Akha

Le 26 au matin 3 heures de bus nous mènent tout prés de la frontière chinoise dans un village Akha où nous avons rendez-vous avec notre guide. Minoy est professeur d’anglais au lycée aussi nous réjouissons-nous d’avance de pouvoir aisément communiquer avec lui. Nous nous rendrons vite compte que son niveau d’anglais, loin d’être fameux, nous demandera de sérieusement adapter le notre. La plupart des paysages rencontrés durant ce premier jour de marche sont des paysages de culture et de plantations d’hévéa venant peu à peu remplacer celle de la canne à sucre à la demande de la Chine voisine. Les pousses sont encore jeunes, il faudra attendre 8 ans avant de pouvoir en tirer la précieuse sève caoutchouteuse. A la pause déjeuner Minoy nous tend des feuilles de bananiers enveloppant notre pitance : portion de riz gluant que nous prenons un plaisir enfantin à manger avec les doigts.

La marche reprend sur une piste rouge coupée à de multiples reprises par la Nam La que nous franchirons une 15aine de fois dans la journée, pieds nus ou en équilibre sur des pierres glissantes (avec plus ou moins de succès). Les bananiers remplacent peu à peu les hévéas et bientôt c’est sur des kilomètres qu’ils accompagneront nos pas, colonisant chaque colline que nous passons. Et toujours ce paysage de brulis qui revient de temps en temps : colline pelée et noire jonchée de troncs calcinés et encore fumants. Et quelques rizières qui surgissent çà et là mais, à la saison sèche, dans cette zone montagneuse ou l’irrigation est difficile, elles sont inexploitées et ne verdoieront qu’au moment des pluies.

Nous rallions en fin de journée notre village-étape pour la nuit. C’est un village Akha niché dans la montagne et accessible par un rude petit sentier qui grimpe sec. Les enfants nous repèrent de loin et nous suivent à distance, riant aux éclats à chaque mot que nous leur adressons. La saison est aux naissances et poussins et porcelets courent dans tous les sens, aussi nombreux que les habitants du village. Je décide d’aller rincer la poussière de la marche au point d’eau du village, source canalisée par quelques bambous coupés en 2. Equipée de mon sarong, me voila prête. Seulement 5 ou 6 garçons en slips occupent déjà la douche et je me contenterai piteusement de remplir une bouteille…

C’est le second chef du village (il y en a 3) qui nous accueille pour la nuit. Nous prenons place autour d’une petite table : les plats sont collectifs et les paniers de riz gluant toujours fidèles au poste. Le sol de la pièce est en terre cuite et sert aussi bien à recevoir l’eau du verre que l’on vide que les glaviots de nos hôtes. Les femmes sont en retrait – elles ne mangent pas avec les invités – et, cachées par un pan de bois, elles veilleront le feu qui brulera toute la nuit (chasse aux moustiques). Le diner commence par un verre de lao lao bu cul-sec, de quoi préchauffer l’estomac ou le rendre tonneau des Danaïdes en y perçant un trou conséquent. Au cours du repas, durant lequel le nombre de convives deviendra de plus en plus important, chaque fois qu’un commensal lèvera son verre en prononçant « tchipatan » (santé), tous devront lever le leur et boire. Est-ce pour cela que la communication se fait plus aisée et les rires plus nombreux ? Avec Minoy comme interprète nous pourrons poser foule de questions aux hommes attablés avec nous et répondre à tout autant de curiosité. Comme le chef sort son tabac à rouler nous lui faisons gouter le notre qui fera le tour de la table ; et tous de fumer en levant le pouce, « di » (bon) dans une espèce de bang en bambou.

A la fin du repas, l’estomac ravagé par le lao lao, j’ai besoin de prendre l’air pour soulager ma tête chauffée par l’alcool. Et nous rejoignons bien vite nos pénates (les chambres sont des espaces donnant sur la pièce principale et séparés par des cloisons en bois) pour nous écrouler habillés sur des planches en bois, dans un nuage de fumée qui nous enveloppera toute la nuit.

« Tchipatan ! »

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