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Trek à la rencontre des villages isolés : jour 2 village Yang

Sitôt réveillés, la table du déjeuner est dressée. Comme la veille, le repas doit commencer par un verre de lao lao. A jeun l’expérience est douloureuse. Même le riz gluant se révèle impuissant à colmater la brèche et je me demande si c’est là une manière de réguler le transit intestinal : riz contre lao lao, je vous laisse deviner qui gagne… A chaque gorgée bue le plein est refait. Minoy, qui se débrouille pour échapper à la cuite matinale, nous laisse honteusement tomber. Quand nous lui demandons si l’on peut, sans vexer notre hôte, abandonner notre verre, il nous dit : « No ! Finish ! » C’est donc complètement éméchés que nous partons pour notre deuxième jour de marche. Etrangement le lâche Minoy nous trouve un peu « mous » aujourd’hui. Les passages de rivière sont de plus en plus périlleux (quel est le bon caillou ? Celui de gauche ou de droite, j’en vois 2 !) et c’est bien vite les pieds trempés que nous nous enfonçons dans la jungle. Nous ne verrons guère d’animaux et les multiples détonations que nous entendons résonner, dédoublées par leur écho, nous en fournissent très vite la raison. Minoy nous explique que, malgré l’interdiction de chasser – nous sommes en zone protégée- les villageois viennent chercher dans la forêt de précieuses sources de protéines. A défaut d’oiseaux vivants notre chemin sera jonché de plumes, preuves que la chasse est bonne. Plus loin, un sac isolé nous surprend : c’est qu’il faut chercher haut dans les branches son propriétaire à l’affut, fusil à la main. Au passage suivant de la Nam La, c’est un animal pourtant bien vivant que nous croisons. Nous voyons une grosse queue disparaître soudain dans les feuilles. Minoy lance des cailloux dans les fourrés pour faire fuir ce que nous prenons pour un gros lézard. Un peu raide, pensons-nous ! « What is it ? – a crocodile ». Gloup ! Je supplie Minoy de nous accorder bien vite la pause déjeuner : mon œsophage continue de me bruler pour me faire payer le lao lao de la veille (et du matin !). Riz gluant et feuilles de bananiers. Et la marche se poursuit sous des frondaisons immenses, aux pieds d’arbres noueux, enlacés de lianes, qui caressent haut le ciel de leurs feuilles.

Vers la fin de l’après-midi nous rallions (enfin !) notre deuxième village-étape. Celui-ci est assez grand mais nous l’avions déjà deviné aux turbines artisanales, arrimées sous des bois lestés de pierres, qui trempent dans la rivière. Le village est magnifique. A l’entrée, des cages en bambou pour les cochons et des maisons pour les esprits. Chaque maison, perchée sur pilotis, possède des cloisons en bambou et des toits de paille. Sous les habitations se rangent quelques tracteurs, de fabuleusement complexes métiers à tisser et des pilons pour le décorticage du riz. Des enfants, dans la maison d’en face, me font des signes puis s’amusent à copier tous mes gestes, jeu qui nous mène du concours de grimaces à une bourrée effrénée dans laquelle je me lance…Mais les rires ne viennent plus que des enfants : une partie du village est en train de m’observer, amusée… Hum ! Fred, de son côté, a l’objectif qui démange furieusement, mais, pour ne pas créer un premier contact qui soit biaisé par l’intermédiaire de l’appareil, il laissera la machine au repos et rongera son frein avec frustration. Nouveau repas collectif et délicieux. La maitresse de maison est de la partie cette fois. Nouvel échange de curiosité et de rires autour d’un lao lao que nos hôtes consomment heureusement avec davantage de modération que les précédents. Puis Minoy, Fred et moi partageons la pièce des invités ou mon lit est loin de ceux des hommes. Un matelas confortable cajole nos dos endoloris par les planches et les sacs tandis que, tendrement, Morphée nous berce.

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