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Vientiane ou la douceur de vivre

Et nous voici à Vientiane la sereine. Arrivés un dimanche nous mettrons la tranquillité de la capitale sur le compte du week-end : la semaine qui vient nous donnera tort. Ici, la vie s’écoule paisiblement et presque sans bruit, le temps semble s’étirer, tout invite à la douceur de vivre tout simplement. Et la chaleur y force presque l’après midi lorsque, écrasante, elle nous révèle eau, nous qui dégoulinons comme les arbres dégoulinent de lianes. Torpeur, les montres s’arrêtent, le ciel devient blanc, les bruits sont étouffés par cette même vague qui nous écrase et nous dépose, trempés et alanguis. Ici, Lamartine n’aurait pas eu à demander aux heures de suspendre leurs cours ou au temps de suspendre son vol…

Même la circulation semble au ralenti, aussi est-ce sans trop de mal que nous pouvons nous y mêler en vélo pour explorer la cité, tant de fois détruite par des invasions multiples qui rasèrent les monuments. Reconstruits, ils portent intrinsèquement les stigmates des conflits passés, plus ou moins lointains : ainsi ce cloître renferme-t-il des centaines de bouddhas décapités et abîmés non par le temps mais par l’homme, ainsi cet arc de triomphe qui trône au bout de ces « Champs Elysées de l’est », construit avec le ciment que les américains réservaient à la construction d’un nouvel aéroport.

Quelques coups de pédales et nous voici au marché doucement animé, quelques coups de pédales et nous longeons le Mekong sur une piste poussièreuse et cabossée. Les façades des vat enflammées par le soleil sont nos phares, nos points de repères, tandis que nous glissons dans ce décor miroitant et scintillant. Les femmes, une main sur le guidon de la mobylette, se protègent des morsures et des traces de l’astre brulant en tenant une ombrelle dans l’autre main, ou bercent leur enfant endormi contre leur sein, rafraichi par la brise que le mouvement de la moto fait naitre. Partout se lit encore le passe lié a la France : dans les phrases écrites un peu partout sur les monuments ou les cartes des restaurants, dans les boulangeries ou les étals des marchés qui vendent des baguettes, dans l’architecture de ces maisons, dont certaines a l’abandon, aux façades coquettes et défraichies, campent au centre de jardins au charme désuet et broussailleux. A une certaine heure du soir, tous les éphémères se donnent rendez vous pour surgir au même instant et se coller sous les néons ou les réverbères. En masse, excités et assoiffés de lumière, ils forment des vagues qui s’élancent a l’assaut du scintillement, puis reculent, et l’on dirait qu’il pleut des gouttes dorées, une pluie fine et dense, en mouvement, qui tourbillonne avant de se perdre dans l’ombre ou nos cheveux.

Et partout cette odeur de miel qui emplit l’air et nos narines, exhalaison sucrée des fleurs que la saison sèche n’a pas vaincues. Et il nous semble que Poupie est un élément qui appartient a ce décor charmant et sans âge, joyeuse grand mère toujours assis dans un fauteuil en osier de la terrasse de notre guesthouse, spectatrice paisible de la vie qui coule a ses pieds et qui guette les visages rencontrés de passage et qui décideront de la prochaine destination de son périple qui dure depuis 1 an et ½ déjà.

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