Jakarta, le gros durian… Sous l’écorce le fruit ?

Immense, tentaculaire, énorme, bondée, bétonnée, gigantesque, trépidante, monstrueuse, labyrinthique, bouillante, bruyante, embouteillée, surpeuplée, polluée, vibrante, remuante, chaude, humide, craquelée, moderne, vétuste, rapide, survoltée… Les adjectifs ne manquent pas pour croquer Jakarta, et la liste est loin d’être complète. Comment pourrait-elle l’être d’ailleurs ? On parle ici d’un monstre de ville ou plutôt de ville-s. Fusion d’une cité et de ses voisines, voici Jabotek (Jakarta, Bogor, Targerang, Bekasi, Depok), asile de près de 20 millions d’âmes. Fourmilière où tous les contraires se rencontrent, se rejoignent, cohabitent, se combinent, fusionnent.

Deux heures de bouchons à frôler la mort -dixit le système nerveux- permettent d’en saisir quelques images sur le vif. Premières visions, premières odeurs. A la fois nouvelles et familières. Celles d’une mégalopole asiatique.
Au classement des grandes villes d’Asie du sud-est Jakarta arrive en tête paraît-il. Question de taille et de population. Sur des dizaines de kilomètres des millions d’habitants se croisent ou plutôt ne se croiseront jamais. C’est donc avec surprise que nous finissons par échouer dans une calme ruelle. Engourdis de chaleur, fripés d’humidité, décalqués de décalage. La vapeur de la ville a ouvert nos pores sitôt rebouchés par les pots échappement, nous laissant poisseux et crasseux. Quatre-voies, gratte-ciels, égouts, étals, fruits, grillades, transpiration, pourriture, le cocktail de bienvenue est servi. Nous l’accompagnons de quelques Bintang en compagnie d’habitants du cru. Sourire aux lèvres ils concèdent que leur ville est immense, toujours embouteillées, inondée parfois, mais rien à faire, ils l’aiment !
L’aimerons-nous aussi ? Nous en laisserons-nous seulement le temps ? En attendant de le décider nous nous abandonnons à l’étuve, au sommeil et aux maringouins, aussi nombreux et chaleureux que les jakartanais.

Au matin décision est prise de fuir la mégalopole dont l’écorce nous rebute. En attendant nous déambulons au hasard dans Glodok, un quartier chinois. Jakarta n’est donc pas qu’un agglomérat d’artères bouchées. Son sang pulse aussi dans ses ruelles zigzagantes, s’écoule péniblement dans des canaux-égouts débordants. Un autre visage de cette ville Janus. Babioles et bric-à-brac divers et dépareillés : mille et un objets s’entassent au bord des trottoirs, débordent des stands, colonisent le pavé. Méli-mélo aussi surprenant qu’odorant, coloré que diversifié.
En sus de la vue, de l’odorat, de l’ouïe, le sens de l’orientation est lui aussi mis à l’épreuve, au même titre que le sens de l’équilibre pour poser un bout de pied sur un bout de trottoir, quand du moins il y en a un. Bien des indications plus tard, plus quantités de tours et de détours exécutés avec la grâce d’un funambuliste, nous retrouvons la gare où nous attendent une banquette et une nuit de voyage. Les lumières de la ville mettent longtemps à s’évanouir derrière les fenêtres tandis que nous mettons cap au sud. Je me demande si comme le durian on aime ou on déteste irrévocablement Jakarta.
Je n’aime pas le fruit mais je n’ai pas pris le temps de déguster la ville. Peut-être faut-il y vivre pour la goûter vraiment, pour sensibiliser son palais, pour s’acclimater, pour l’aimer enfin.

 

Eve & Fred

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  • Pour y avoir vécu près d'une année, je n'ai pas réussi à en tomber amoureuse... Mes premières minutes à traverser les bidonvilles en taxi m'ont terrifiée "c'est ici que tu vas vivre pour les prochains mois", et les embouteillages, arnaques, la pollution et le manque de vie outdoor ont eu raison de moi...
    C'était sympa de te lire, toujours intéressant de voir comment les gens ressentent leurs premiers pas à Jkt. Bon voyage !

    • Même en perçant l'écorce on n'aime pas forcément le fruit :) On a très vite filé prendre l'air vers Batu Karas que tu connais bien je crois ;)

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Eve & Fred