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Mandalay, moines et teck

Le nom de Mandalay fait rêver. Sans que l’on sache pourquoi. Les sonorités du mot ? Des fantasmes qui se seraient glissés derrière l’évocation de la ville ? Et pourtant aucune image précise ne se présente à mon esprit. A quoi ressemble donc Mandalay ?
Donnons la parole à Norman Lewis et découvrons ses impressions sur la ville qu’il découvre en 1952 :

«Mandalay. Il y a, dans ce nom, une euphonie qui fait appel à l’imagination, et pourtant cette décrépitude représentait l’amère réalité. Tout le long des faubourgs se succédaient des kilomètres de misérables masures, ressemblant à un sordide campement de bohémiens recouvert d’une poussière d’un blanc crayeux flottant dans l’atmosphère; on aurait dit que l’air brûlant, imprégné de brume, s’était condensé sous forme de nuages irrespirables. Les pagodes lilliputiennes faisaient penser à une éruption de pustules.»

Bon, voilà un avis bien tranché.
Mais allons un peu plus loin dans le texte histoire d’en savoir un peu sur l’histoire de la ville.

«Mandalay n’a pas de raison particulière d’exister. La ville n’a jamais eu d’importance stratégique ou commerciale et le climat de tout le district est détestable depuis que, il y a des siècles, de pieux rois firent abattre tous les arbres afin de les utiliser comme combustibles pour la fabrication de briques destinées à construire des pagodes. Dans un lointain passé, les prédictions des astrologues avaient affirmé que cette région était favorisée par le ciel […]. Sur les conseils d’un astrologue brahmane, on organisa, selon toutes les règles, un sacrifice rituel, avec une femme enceinte parmi les victimes. Une vieille croyance mongole affirme que l’esprit de la mère et celui de l’enfant s’unissent dans la mort sous la forme d’un démon d’une exceptionnelle malignité. Celui-ci est animé d’un implacable désir de vengeance, dirigé – en dépit de toute logique, semble-t-il – contre les ennemis du roi. […] Vingt-neuf ans après, Mandalay tombait aux mains des Anglais sans que les hommes ou les esprits eussent fait la moindre tentative de résistance : les sacrifices avaient été de si piètre efficacité que, dans la Birmanie toute entière, cela constituait une manière de record.»

Terre d’or, voyages en Birmanie

Vérité ou légende ? Voilà en tout cas un lourd passé pour cette ville récente sortie de nulle part.
Je ne serai pas aussi critique que cet excellent auteur. Mais soixante ans nous sépare. Peut-être la ville a-t-elle beaucoup changé ? Je dois bien reconnaître en tout cas que dans Mandalay il n’y a que le nom de la ville qui nous ait vraiment séduit. Je nuance tout de suite en précisant que nous n’y avons passé qu’une journée. Et que peut-on vraiment savoir d’une ville en une journée ? L’immensité, le bruit, la pollution et l’absence de charme des rues ne nous ont pas vraiment donné envie de pousser plus avant. Peut-être sommes-nous passés à côté de beaucoup de choses. Sûrement.

Malgré tout notre journée à Mandalay fut agréable. Grâce à ses habitants. En déambulant un peu au hasard des rues et des quartiers nous avons fait mille et une rencontres. Comme cet inconnu qui est allé à notre insu régler notre note au tea-shop, façon de nous souhaiter la bienvenue. Où comme cette jeune fille et cet homme que nous avons arrêtés, faute de trouver un taxi, et qui ont accepté de nous emmener à l’arrière de leur moto. Ou encore comme ce moine qui insiste pour nous faire découvrir son immense monastère où se croisent plus de 2000 robes rouges. Il passera beaucoup de temps à tout montrer, tout expliquer avant de nous offrir du toit d’un des bâtiments une belle vue sur la ville.

Et puis nous avons tout de même découvert un joyau. Le monastère de Shwe In Bin. Une merveille de teck et de savoir-faire. Une construction délicatement ouvragée, aux sculptures finement réalisées. Un véritable petit chef d’œuvre.

Mais en fin de journée la tête me tourne. Trop de bruit ? De chaleur ? De pots d’échappement ? Ou est-ce mon moment de solitude de la journée ? Trop occupée à surveille mes pieds afin d’éviter la chute dans un égout, véritable danger pour les piétons ici , je m’encastre dans une barre de fer et en tombe à la renverse, provoquant l’hilarité de la rue… Il est temps d’aller se consoler au tea-shop devant une bonne assiette de riz.

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